L'aventure des langues en occident - l'Italien
(p. 130 -p. 165)
Ce qui est probable, c'est qu'au lendemain de la chute de l'Empire romain, à la fin du Vème siècle, le "latin" parlé n'est déjà plus du latin. En France, par exemple, c'est en 813 que le Concile de Tours recommande aux prêtres de dire leurs homélies in rusticam romanan linguam, signe que depuis longtemps les fidèles ne comprenaient plus le latin et parlaient déjà une langue très altérée (cf. devinette de Vérone, p. 130). Il faut attendre plus d'un siècle pour qu'apparaisse le premier texte pouvant être reconnu comme de l'italien ancien : il s'agit cette fois de quatre courts témoignages sous serment à propos de biens appartenant à des monastères de Monte Cassino, dans la région de Capoue (I placiti cassinesi (960 – 963)), rédigés par des notaires dans la forme qu'avait prise le latin vulgaire dans le centre de l’Italie, un pays qui était alors divisé sur le plan linguistique comme il l'était sur le plan politique.
Parmi les emprunts germaniques les plus anciens, on trouve : :
Bragia « harpe" (aujourd'hui bracé) : "braise"; Tasso : blaireau ou Sapone : savon. Les noms de couleur sont aussi d'origine germanique : falbo : jaune foncé; blavo (litt.) : bleu pâle... On peut faire la même constation pour: anca : hanche; orgoglio : orgueil; panca : banc; schiena : dos; baruffa : querelle; scaffale (dérivé deskaf, tablette) : étagère; scherzo : plaisanterie; stracco : fatigué; zaino : sac à dos; zazzera : tignasse...
A partir de la moitié du Vlème siècle, les Ostrogoths, qui occupaient le sud du pays, avaient été battus par les troupes de l'Empire romain d'Orient, et l'influence byzantine, pour la langue, l'influence grecque, s'était également fait sentir pendant plusieurs siècles. Témoin une quantité de mots encore vivants aujourd'hui, avec des évolutions de forme et parfois de sens :
Quelques mots italiens d'oriqine bvzantine-
Metro (metron mesure): mesure | Ganascia (jdu grec gnathos) mâchoire |
-Scala : escale
| Falo (du grec phanos ) : torche |
Androne (du grec andron "chambre des hommes"), passage
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Les langues de l'Orient, et en particulier l'arabe, ont beaucoup enrichi les langues de I’Italie, non seulement parce que la domination des Arabes en s'est prolongée pendant deux siècles et demi (de 827à 1091), mais surtout à cause de leur importance commerciale en Méditerranée pendant le Moyen Age et de leur supériorité à cette époque dans certains domaines scientifiques comme l'astronomie, les maths et la médecine, mais aussi au commerce et à l'alimentation :
- Quelques mots italiens d'origine arabe -
Azimut. azimut | Carciofo : artichaut |
Nadir : nadir | Melanzana : aubergine |
Alcali : alcali | Zibibbo : raisin sec |
-Sciroppo : sirop | Spinaci : épinards |
Nucca : nuque | Ribes : groseilles ; rhubarbe à l’origine |
Talco : talc |
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Le mot italien « zero » est une création du savant italien ; Leonardo Fibonacci (Pise 1175 – 1240), mort à 65 ans, introducteur de la numération arabe en Europe.
Le dialecte de Rome, ou romanesco, est à mi-chemin entre le toscan et le napolitain, car il partage certains traits avec le premier (par exemple le maintien des voyelles inaccentuées du latin : lactem est devenu latte ), et d'autres avec le second (par exemple, le passage de -mb à -mm et de -nd à -nn : ammasciatore "ambassadeur" pour ambasciatore , ou granne pour grande en toscan.
Le romanesco a commencé à reculer devant le toscan depuis le XVème siècle, en partie du fait de la dépopulation qui a suivi le sac de Rome en 1527 par les troupes de Charles Quint, suivie par l'afflux de nouveaux arrivants venus d'autres régions. Ce recul tient aussi à la présence de la cour pontificale, dont les membres n'étaient pas choisis à Rome mais dans tout le pays, et en particulier en Toscane. Avec quatre siècles d'avance sur le reste de l'Italie, les milieux dirigeants de Rome ont donc adopté le toscan.
Le romanesco n'est plus une langue quotidienne des Romains. Seules quelques émissions de radio ou de télévision en prolongent un peu nostalgiquement l'existence de nos jours.
Quelques mots régionaux pour désigner un "jeune garçon" –
Cit : jeune garçon dans le Piémont | Quatraro : " dans les Abbruzzes |
Toso ou Putelo : " à Venise | Guaglione : " à Naples |
Burdel : " en Emilie | Picciotto ou Caruso : " en Sicile |
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- Quelques mots italiens d'origine régionale -
Piémont : Gianduiotti (Chocolats pralinés à la noisette, de forme allongée et de pâte très fine, fabriqués à Turin. Le mot est dérivé du nom d'un personnage de comédie, Gianduja (en piémontais Gioan d'Ia duja 'Jean du bocal")
Bocciare : recaler (à un examen). La forme toscane est schiacciare.
Ligurie : Vernaccia (sorte de vin blanc sec, à l'origine de la région de Vernazza (province de La Spezia) mais produit également ailleurs. La vernaccia de San'Gimignano, en Toscane, et celle de Sardaigne, sont très réputées.
Lombardie : Mica male : pas mal du tout
Vénétie : Giocattolo : jouet
Vestaglia : peignoir
Rome : Stracciatella : bouillon de volaille dans lequel on a fait cuire un mélange d'œufs, de chapelure et de fromage.
Saltimbocca : tranche de jambon enroulée dans une petite escalope de veau
Caso mai : si ça se trouve
Naples : Largo : petite place de forme irrégulière
Cafone : mufle, parvenu. Ce mot n'avait à l'origine aucun sens péjoratif mais signifiait simplement "paysan ou plouc"
Omerta : La "loi du silence" (dans la camorra)
Parmi les mille noms de pâtes, on peut retenir quelques noms rares : fusilli, conchiglie, cappelletti, vincisgrassi (recette très raffinée de lasagne de Passetto, restaurateur à Ancona, en souvenir du prince autrichien Windisch-Gràtz, dont il avait été le cuisinier (XIX ème siècle), pappardelle (pâte longue, large et à bords festonnés, raganelle lucane (tagliatelle larges), lagane (nom des tagliatelle en Italie du Sud), trenette (tagliatelle de la région de Gênes), filli d'angelo (d'environ 1mm de large), ziti ou zite (vermicelle)...
Les longues pâtes plates en ruban sont parfois vendues sous forme de pelote (matassa ) ou de nid (nido).
Le mot gnocchi, attesté depuis le XVème siècle, désignait alors de petits pains arrondis, probablement sous la forme de gnocchi actuels. On en doit, semble-t-il, l'invention au physicien italien Alessandro Volta (Côme 1745 – Id 1827 ), mort à 82 ans. Celui-ci a été le Parmentier italien (Montdidier 1737-Paris 1813), mort à 76 ans.
C'est vers la fin du XIXème siècle que l'italien à base toscane a commencé à se répandre plus largement dans toutes les couches de la population. Deux livres très populaires, écrits par des Toscans, ont contribué à sa diffusion : Pinocchio (1880), et Cuore (1886), de Edmondo de Amicis, étaient aussi connus des enfants en Italie que les livres de la comtesse de Ségur (Saint-Pétersbourg 1799 - Paris 1874 ), morte à 75. ans, en France.
Les jeunes innovent comme en témoignent le mot paninaro, qui désigne le "jeune branché urbain aux aspirations néo-bourgeoises" : le mot est dérivé de panino (petit pain), qui était le nom d'un bar de Milan où ont commencé à se réunir les jeunes "branchés" au cours des années 80 de ce siècle.
Quelques expressions typiquement paninaro : zanaro : jeune branché de Bologne. Le mot est dérivé de Zanarini, nom d'un bar chic de Bologne; metallaro : jeune des banlieues, appartenant à une bande; casinaro : jeune fauteur de désordre. Le mot est dérivé de casino, terme argotique pour désigner "confusion". Contrairement aux metallari, jeune des banlieues, les pananaro habitent généralement les centres historiques des grandes villes. L'équivalent du paninaro milanais était appelé tozzo , à Rome (pour un garçon), squinzia ou, comme à Milan, sfitinzia (si c'était une fille)
Quelques faux amis de la langue italienne-
Soubrette ; jeune première (spect) | Paillard : fine tranche de veau grillé |
Chiffon ; mousseline | Bigné : chou à la crème |
Menu : carte | Croissant : brioche |
| Chiftel : croissant |